Colloque Germinal 2.0 : Et si la France redevenait une nation minière ?

22 février 2016
SystExt

Le 19 juin 2015, ISF SystExt organisait au Palais du Luxembourg un colloque intitulé "Germinal 2.0 : Et si la France redevenait une nation minière ?" sous le patronage de Marie-Christine Blandin, Sénatrice du Nord ; pour échanger sur les enjeux soulevés par la relance de l'activité minière en France. En complément des vidéos mises en ligne sur Youtube et des présentations publiées sur notre site , les actes de cet événement, téléchargeables à la suite, proposent une synthèse des interventions et témoignages de la journée.

• Contexte

Les quatre tables rondes ont rassemblé des acteurs de terrain afin de saisir au mieux les enjeux actuels d’un renouveau minier en France avec ses rapports de force renouvelés et changeants. Il s'agissait de questionner tout un chacun sur les activités minières possibles en France et ses implications sur nos choix de société, sans laisser de tels sujets d'apparence technique aux mains des seuls experts.

Quatre thèmes ont été choisis pour présenter un panorama large de l'activité minière et de ses impacts :
• les caractéristiques techniques des exploitations minières et de la valorisation des matières premières minérales ;
• le contexte socio-économique des filières minérales, permettant de replacer le renouveau minier français dans une perspective mondialisée ;
• les conséquences graves des exploitations actuelles et passées à différentes échelles,
• la place de la régulation dans la gestion des activités extractives avec un focus sur les limites du système français.

• Faits marquants

Même si des avancées technologiques sont notables, « l’activité minière est polluante, pollue, a pollué et polluera » a rappelé Michel Chiodi (EPC). En effet, Aurélie Chopard (ISF SystExt) a montré comment cette activité produit des sources de pollution à toutes les étapes de son avancement (stériles, résidus, effluents, etc.), qui sont enrichies en des éléments potentiellement contaminants tels que l’arsenic, le plomb, le soufre... Dans la mine dite « industrielle », la tendance actuelle n’est pas à l’amélioration ; car au gigantisme croissant de l’exploitation minière répond nécessairement l’augmentation des volumes de déchets produits et des difficultés à les maîtriser dans le temps. Parallèlement, les exploitations artisanales soulèvent des problématiques tout aussi préoccupantes et Anne-Gaëlle Verdier (WWF) a ainsi rappelé qu’en Guyane française les exploitations aurifères illégales seraient responsables d’un front de déforestation de 121 km et de la contamination de près de 4500 km de cours d'eau, essentiellement au mercure.

Et les pays dits « industrialisés » ne sont pas épargnés des impacts environnementaux et sanitaires qui résultent d’activités actuellement menées, tel que l’a démontré Christian Simard (Nature Québec) avec de nombreux exemples (immenses aires de résidus miniers abandonnées, ruptures de digues, etc.). Pourtant, nous aurions pu tirer les leçons du passé, d’autant qu’il se rappelle à nous par l’intermédiaire de territoires qui en portent douloureusement les stigmates, comme à Salsigne dans l’Aude. Ainsi, François Espuche (Association de défense des riverains de Salsigne) et Guy Augé (Association Gratte-Papiers), ont rappelé que 15 millions de tonnes de déchets contaminés (principalement à l’arsenic) y ont été abandonnés et continuent de mettre en danger l’environnement et la santé humaine.

Mais la mine n’est pas qu’un perturbateur environnemental, elle bouleverse également les hommes et leur organisation sociale. Ainsi, Catherine Bertram (Mission Bassin Minier) a donné l’exemple du bassin charbonnier du Nord-Pas-de-Calais qui, au terme de 270 ans d’activité, s’est retrouvé dans une urgence de reconversion (en termes d’économie, de formation, de culture et d’urbanisme notamment), et de gestion des friches industrielles laissées à l’abandon (7500 hectares sur le bassin minier, dont 5000 hectares d’origine minière).

Si la France redevenait un pays minier, serait-t-elle en mesure de limiter ces conséquences graves sur son territoire ? Sur ce point, William Sacher (Université de Mcgill) a attiré l’attention des participants sur la puissance des grosses sociétés d’exploitations dites majors. Même si notre pays peut produire des lois plus contraignantes, ces acteurs ont malheureusement les moyens de ne pas s’y soumettre ; ou de faire reposer les coûts des externalités négatives sur la collectivité.

Tout ceci dans un contexte économique et stratégique complexe décrit par Raf Custers (GRESEA), qui est soutenu par une demande croissante (production massive de biens de consommation, urbanisation des pays émergents, etc.) et par l’accroissement des velléités spéculatives et financières court-termistes.

Si la France voulait guider l’activité minière vers des pratiques intégrées et responsables, il lui faudrait tout d’abord renforcer sa réglementation qui est dans ce domaine « d’un autre âge » tel que la mentionné Yves le Bars (CFSI). Il s’agira notamment de mettre en conformité le Code minier avec les principes constitutionnels de la Charte de l'Environnement mais aussi de régler de manière pérenne les dégâts de l'après-mine, tel que l’a recommandé le Collectif de Défense des Bassins Miniers de Lorraine dont fait partie Josiane Madelaine (Conseil régional de Lorraine).

Plus largement, la France se doit d’être motrice sur les questions de démocratie des matières premières minérales. Comme l’a souligné Raf Custers (GRESEA) : un principe adopté par les Nations Unies en 1962 donne la souveraineté des matières premières aux peuples et nations. Il s’agira de créer de vraies politiques de consultation et de participation des citoyens pour que les territoires d’accueil intègrent mais ne subissent cette activité industrielle.

En conclusion, Yves Le Bars (CFSI) a également alerté les participants sur le fait que l’« on ne peut pas continuer à reporter chez les autres les activités à risque ou à impact potentiel négatif ». Il devient absolument nécessaire aujourd’hui de « travailler les alternatives à la mine » et en priorité celle du recyclage car, comme l’a annoncé Michel Chiodi (EPC) : « la mine de demain sera le recyclage ».
 

► Voir les vidéos des quatre tables rondes.

► Télécharger les présentations des neuf interventions.

► Télécharger les actes (ci-dessous).