Projet d'étude sur l'après-mine en France métropolitaine

Contexte

En Métropole, près d’un millier de sites miniers ont été exploités pour des substances "métalliques" (hors uranium et charbon) telles que le plomb, le zinc, l’étain, l’or, l’argent, etc. Fermées voire abandonnées depuis, ceux-ci présentent des importants dépôts de déchets miniers et des eaux minières contaminées. Le plus souvent, ces sources de pollution n’ont pas été mises en sécurité et il en résulte des pollutions chimiques (en métaux et métalloïdes), diffuses et étendues, dont les impacts peuvent être majeurs sur les eaux souterraines, les eaux de surface, les sols et la biodiversité. Les concentrations en métaux et métalloïdes mesurées dans ces milieux peuvent atteindre des niveaux records, avec, par exemple, plusieurs pourcents de plomb, de zinc, d’arsenic dans les sols, à des niveaux bien supérieurs à ce qui est observé « classiquement » dans le cas de pollutions industrielles.

Ces pollutions chimiques impactent des zones résidentielles ou fréquentées (comme des zones de loisirs), des sources privées, des cours d’eaux utilisées pour l’irrigation agricole ou la pêche, etc. Dans le pire des cas, les habitations se trouvent installées au droit de dépôts miniers. Lorsque des diagnostics sanitaires sont réalisés, les taux d’imprégnation chez les enfants et les adultes (pour le plomb, l’arsenic et le cadmium) sont parfois anormaux et nécessitent des suivis médicaux.

Pour y répondre, les outils législatifs et règlementaires sont lacunaires. Les sources de pollution minières se trouvent le plus souvent dans un vide juridique. Elles ne relèvent alors ni du code minier (qui ne mentionne même pas ces questions et ne reconnaît pas les impacts associés comme des dommages « miniers »), ni du code de l’environnement (car non rattachées à cette législation au moment de l’exploitation). Ce qui est plus préoccupant encore, est que la responsabilité incombe le plus souvent aux propriétaires actuels, comme en atteste cette réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire en mars 2019 :

Pour autant, ces travaux ne peuvent être qualifiés de réparation de dommage minier, ce dernier étant au sens de l'article L. 155-3 du code minier, un dommage susceptible de mettre en cause la sécurité des biens et des personnes. Ils ne relèvent donc pas de la responsabilité de l'État mais de celle des propriétaires des terrains concernés. Et c'est également pour cette raison qu'il n'est pas envisageable au titre du code minier de mettre en place un dispositif d'expropriation des biens exposés, avec une indemnisation de leurs propriétaires, ou un fonds spécifique pour financer les actions de dépollution ou de rachat des biens.
(Question n°14168 de M. Patrice Verchère à l’Assemblée Nationale).

Ce n’est que récemment que l’État français a pris conscience des risques sanitaires et environnementaux associés à l’après-mine. En effet, il aura fallu attendre 2009 pour que l'État français réalise un inventaire national des déchets miniers (en application de la directive européenne 2006/21/CE du 15 mars 2006). D’après les données recueillies par SystExt et ses partenaires, cet inventaire aurait permis de recenser 2118 dépôts miniers, répartis sur 233 secteurs. Seuls quelques-uns de ces derniers ont depuis fait l’objet d’études détaillées, qui ont donné lieu à des recommandations faibles. Les familles lésées ne sont pas indemnisées et pas accompagnées dans la compréhension des enjeux et l’État n’accepte de réaliser des travaux de mise en sécurité que dans de très rares cas, mais jamais chez des particuliers.

Les populations affectées par des pollutions minières sont durement touchées et laissées-pour-compte. Elles ne peuvent plus revendre leur habitation et sont contraintes d’y rester, perdent la jouissance de leurs biens, et subissent une angoisse permanente en vivant dans un environnement contaminé et en craignant pour leur santé, en particulier celle de leurs enfants.

Ancienne mine de plomb de Ternand, Rhône (SystExt par E. Feyeux · Août 2020 · cc by-sa-nc 3.0 fr)

Objectifs

SystExt et ses partenaires souhaitent faire la lumière sur les implications humaines, sanitaires et sociales. Nous considérons que, au nom du droit à vivre dans une environnement sain, l’État est responsable de la gestion et de la réparation des dommages liés aux pollutions minières sur la santé et sur l’environnement. À ce titre, le projet souhaite mettre en exergue les réalités de l’après-mine en France métropolitaine et l’insuffisance des réponses apportées, au travers de trois objectifs.

Pour que l’étude, programmée de 2021 à 2023, soit la plus complète et précise possible, il est prévu de prendre en compte un panel large de territoires, de  type d’exploitation minières et de problématiques environnementales.

Objectif n°1 : Permettre aux populations affectées de s’exprimer et d’être reconnues

SystExt et ses partenaires souhaitent aller à la rencontre des populations affectées ainsi que des autres acteurs concernés par les pollutions minières (élus, organismes territoriaux, associations, etc.), recueillir leurs témoignages et publier ces récits pour sensibiliser le grand public.

A l’occasion de ces visites de terrain, les sources de pollutions et les zones polluées seront visitées et ces observations seront corrélées à un travail bibliographique préalablement réalisé par les experts de SystExt. Le projet prévoit la visite d’un vingtaine d’anciens sites miniers dans une dizaine de départements (Loire-Atlantique, Gard, Rhône, Ariège…).

Objectif n°2 : Permettre à tout citoyen d’avoir accès aux informations afférentes aux pollutions minières et aux risques associés

Les premières recherches réalisées par SystExt et ses partenaires démontrent que les données de l’inventaire précédemment mentionné et les rapports des études détaillées, lorsqu’ils existent, ne sont pas publiés et parfois même non communiqués aux mairies concernées.

SystExt et ses partenaires collecteront donc toutes les informations possibles, en sollicitant également les services de l’État en charge de ces dossiers. Cette capitalisation donnera lieu à des publications.

Objectif n°3 : Permettre aux victimes d’obtenir réparation et de recouvrer des conditions de vie saine

Il s’agira de constituer un argumentaire à l’intention des décideurs comportant des propositions d’intervention urgentes pour les familles les plus en difficulté ; et des propositions de mises à jour législatives, en particulier en ce qui concerne le code minier.

Ancienne mine d'étain d'Abbaretz, Loire Atlantique (SystExt par E. Feyeux · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0 fr)