Enfin une vraie réforme du code minier en France ?


INTERVENTIONS

• Quels objectifs et quelles orientations stratégiques du gouvernement ? Le point de vue de FNE, par Ginette VASTEL de France Nature Environnement
• Ne pas réformer mais repenser ! Positionnement de SystExt, par SystExt

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CONTEXTE

L’obsolescence du code minier soulevée en 2011 avec le scandale des pétrole et gaz de schiste a donné lieu à plusieurs tentatives de réforme. En 2013, un groupe de travail sur la réforme du code minier, présidé par Thierry Tuot, présente un rapport comprenant un projet de loi. En 2015, le ministère de l’économie organise une consultation publique en ligne sur un avant-projet de loi portant réforme du code minier. En 2016, le député Jean Paul Chanteguet et d’autres députés déposent une proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement.

Depuis quelques mois, une réforme du code minier serait de nouveau « dans les tuyaux ». Les associations France Nature Environnement (FNE) et SystExt se positionnent sur plusieurs points importants qu’elles souhaiteraient mettre à l’ordre du jour si un réel processus de concertation était mis en place. Pour le moment, FNE a participé à quelques discussions avec le gouvernement, mais les annonces officielles (notamment au G7) ne sont pas satisfaisantes. En particulier, nombreux sont ceux qui dénoncent la volonté du ministère de ne pas prendre en compte les questions d'après-mine.

SYNTHESE DES POSITIONNEMENTS

Plus de prise en compte des questions sanitaires et environnementales
Alors qu'il est prétendu que la réforme prendra davantage en compte les questions environnementales, les ONG ne voient aucune avancée. En toute premier lieu, SystExt propose de rattacher les activités extractives au code de l’environnement - en reconnaissant leur dangerosité spécifique -, et d'interdire les techniques particulièrement impactantes (comme le déversement volontaire ou la lixiviation en tas). En ce sens, FNE défend également l’interdiction de l’utilisation du cyanure dans les exploitations aurifères en Europe et en Outre-mer. Par ailleurs, l’entreprise minière devrait également pouvoir démontrer qu’elle peut minimiser ses impacts et gérer les accidents graves. Il faudrait également réévaluer le montant des redevances liées à l’extraction minière en intégrant les enjeux environnementaux et sociaux.

Démocratisation : plus de transparence et de concertation
La question de la transparence et de la concertation est également centrale. Actuellement, les outils mis en place (principalement les Commissions de Suivi de Site (CSS)) ne sont pas suffisants pour une réelle concertation, et inspirent même de la défiance. FNE souhaite que la concertation soit renforcée lors de la procédure d’octroi des permis d’exploration et des concessions. A cet effet, l’exemple du débat public en Guyane pour le projet "Montagne d’or" est à reproduire. De façon générale, le processus de concertation doit être élaboré et conduit de façon à prendre réellement en compte les impacts directs et indirects de l’activité minière. SystExt défend également la mise en place d’une commission consultative obligatoire et contraignante pour des décisions qui tiennent compte des attentes de la société civile et des riverains.

Sécurité et surveillance des procédures
SystExt rappelle que les démarches actuelles sont trop longues et trop complexes mais intègrent paradoxalement de nombreux passes-droits. Le droit de suite en est une illustration qui cristallise la colère des ONG : il permet au titulaire d’un permis d’exploration d’obtenir "automatiquement" le permis d’exploiter le gisement découvert. FNE et SystExt défendent sa suppression. Elisabeth BORNE, ministre de la Transition écologique et solidaire, en pointe d'ailleurs les limites : « Il faut revoir les règles qui font que quand on a une concession, on a une sorte de droit de suite. L’actuel code minier ne prend pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux, c’est le sens de la réforme du code minier. »

Prise en compte de l’après-mine
Dans les textes actuels, mais également dans les discussions récentes concernant la réforme, l’après-mine n’est pas prise en compte. Or, comment traiter raisonnablement les questions environnementales et sanitaires de la mine, en en faisant abstraction ? Il faut instaurer des règles claires et strictes sur la gestion du site après sa fermeture, et ce, dès la phase exploratoire. FNE propose que cette question soit encadrée dès le dépôt du dossier de demande du permis d'exploration et que soit instituée la possibilité du retrait du titre minier, en cas de non-respect des engagements par l’exploitant. Ni l’État, ni le contribuable ne devrait se porter garant en cas de faillite d’une entreprise minière (cf. Art L155-3 et projet de loi 2016) ! Ainsi, SystExt défend la création d’un fond d’indemnisation de l’après-mine, financé par la compagnie exploitante, et qui aille au-delà des simples garanties financières existantes.

Implantation de la mine dans le territoire et schéma de développement
FNE souhaite que la demande du permis de recherche évalue également la capacité du projet minier à s'intégrer dans le territoire concerné. Cette évaluation devra prendre en compte les aspects humains, environnementaux, climatiques, sociaux, et économiques sur le long terme, en accord avec les projets de développement locaux. Par ailleurs, FNE et SystExt pensent qu'il faut cesser de voir l'extraction minière comme une nécessité systématique, et converger vers un classement du sous-sol comme bien commun de la Nation, qu’il convient de gérer durablement. De manière étendue, SystExt demande que l’exploitation du sous-sol se fasse de façon priorisée, en accord avec la mise en place d’une politique minérale nationale qui réponde aux besoins réels. Les conflits d’usage (eau, terres agricoles etc) doivent absolument être anticipés et intégrés dans les arbitrages.

Prioriser l’économie circulaire
Les principes d’économie circulaire (recyclage, conception de produits sobres avec du matériel changeable ou réutilisable et non obsolescent, etc.) doivent désormais constituer un pilier du code minier. A cet effet, FNE suggère que soient mises en place des mesures fiscales qui soutiennent la réparabilité des produits, et qui favorisent les ressources secondaires (issues du recyclage) par rapport aux ressources primaires (issus de l'extraction minière).

CONCLUSIONS/PERSPECTIVES

Il y a de grandes attentes par rapport à cette nouvelle réforme du code minier. Aux questions environnementales et sanitaires, s’ajoute la prise en compte des attentes de la société civile et des populations. Cette initative invite à repenser la démocratisation et de la question des ressources minérales dans notre pays. Le débat devra être élargi et transparent, ce qui va à l'encontre des intentions de soumettre toute ou partie de cette réforme à l’ordonnance du gouvernement.