Animation en ligne | Des métaux dans mon smartphone ?

6 mai 2017
SystExt
Vue générale de l'outil | SystExt · 2017 · cc by-sa-nc 3.0 fr

L'intensification de l'exploitation minière est notamment justifiée par les besoins grandissants de nos objets du quotidien. Il devient dès lors nécessaire de comprendre les usages des matières premières minérales si l'on souhaite déchiffrer la demande, les possibles substitutions, le rôle du recyclage, etc. Prenons l'exemple des smartphones : s'il est désormais connu qu'ils contiennent de nombreux métaux, difficile de savoir quels sont ceux qui les composent et surtout, à quelle fin. SystExt a mené une étude pour répondre à ces questions et a construit un outil interactif en ligne qui permet de vulgariser les données acquises. 

Accéder directement à l'outil en ligne.

Dans son rapport d'information de septembre 2016 "100 millions de téléphones portables usagés : l'urgence d'une stratégie", la sénatrice Marie-Christine BLANDIN soulignait que : "La connaissance précise de la composition des téléphones portables se heurte à l’opacité entretenue par les fabricants sur leurs appareils". SystExt peut en témoigner. Il est impossible de disposer d'une information précise sur les métaux contenus dans un appareil, que ce soit pour un modèle en particulier, ou pour une gamme d'appareils. Et les rares fois où l'on parvient enfin à recueillir une liste non exhaustive des substances présentes, il devient très difficile de comprendre à quel endroit de l'appareil elles se trouvent et dans quel but.

L'approche de SystExt a donc été inverse : en repartant du métal ou des alliages plutôt que du produit fini. Nous avons étudié des centaines de références : rapports de panorama par substance, fiches techniques des fabricants de composants, sites internet et blog de spécialistes dans les télécommunications, thèses en génie des matériaux, etc.

La difficulté de l'exercice réside non seulement dans la dispersion de l'information pour une substance donnée entrant dans la composition d'un élément bien défini ; mais aussi, dans le grand nombre d'éléments constitutifs des smartphones. Pour la majorité des composants, il n'existe pas de fiche technique "type", ils contiendront : des substances absolument nécessaires, d’autres qui peuvent venir en substitution, totalement ou partiellement, et d’autres encore qui ne sont testées que sur certains modèles.

Prenons ici l’exemple du condensateur, un petit composant essentiel en électronique. En moyenne, un smartphone récent en contient une vingtaine. Les plus courants sont composés de dioxyde de tantale, remplaçant progressivement ceux à base d’aluminium. Cependant, pour diminuer les coûts, l’oxyde de niobium est de plus en plus utilisé ; soit en dopage, soit en substitution complète.

De plus, la filière évolue sans cesse, pour répondre à des enjeux tantôt commerciaux, tantôt économiques, tantôt réglementaires. L'exemple de la batterie illustre bien cette tendance. Alors que l'on s'était familiarisé avec les batteries lithium-ion "classiques" qui contiennent principalement du lithium, du carbone, du fluor, du phosphore, du cobalt, du manganèse et de l'aluminium, de nouveaux modèles sont apparus, d'abord les batteries lithium-ion-polymère puis les batteries lithium-métal-polymère. Le cortège métallique possible, déjà conséquent, a donc été considérablement augmenté ; avec le fer, le vanadium, le manganèse, le nickel mais aussi des terres rares (cérium, lanthane, néodyme et praséodyme).

Ainsi, un même composant se transforme à la faveur de très nombreux facteurs, et incorpore une liste variable d'éléments. Si ces variations sont importantes à l'échelle d'un composant, on imagine celles qui caractérisent un modèle ou une gamme de produits ! Le portrait que SystExt a dressé n'est pas celui d'un modèle de téléphone particulier mais bien celui d'un "smartphone moyen", qui contient probablement la majorité des 52 substances identifiées et décrites.

Pour chaque unité principale d’un smartphone (dalle tactile et vitre, écran, boîtier, batterie et carte électronique), l’outil (disponible au lien suivant en en cliquant sur l’image ci-dessous) présente les principales substances contenues. Pour chacune d’elles, une fiche technique détaille l’utilité de la substance (pourquoi utilise-t-on à cet endroit ?, pour remplir quelle fonction ?, existe-t-il des substitutions partielles ou totales ? etc.) et fournit des sources d’informations en ligne.

De l'étude qu'à réalisée SystExt, il ressort que le panel de substances composant un smartphone est considérable, représentant près de 50% de la totalité des éléments chimiques connus ! Les métaux sont quasi-exclusivement utilisés sous forme d’alliage, parfois très complexes. A titre d’exemple, l’alliage plomb-étain utilisé pour le brasage (soudure) fait désormais intervenir l’antimoine, le cuivre et l’argent, en quantités variables. De façon plus fine encore, ils peuvent être utilisés sous forme d’encre métallique (comme le nickel sur le boîtier) ou en dopage (comme le phosphore dans les transistors au silicium).

SystExt a mis en évidence trois phénomènes majeurs qui gouvernent les changements apportés à la composition métallique des smartphones :

• L’enjeu commercial : vendre toujours plus, par la miniaturisation et l’augmentation des performances. Les écrans sont en particulier victimes de cette course à la meilleure qualité d’image possible. Les cristaux liquides des écrans LCD contiennent ainsi de nombreuses terres rares (europium, terbium, yttrium, gadolinium, cérium, thulium, lanthane) introduites dans des matrices à bore, baryum, magnésium et/ou soufre.
• L’enjeu économique : s’assurer des coûts d’approvisionnement les plus bas, voire réduire sa dépendance vis-à-vis d’une substance « critique ». Dans les contacts électriques, le palladium (et dans une moindre mesure le platine) est utilisé en substitution de l’or, en raison de son moindre coût actuel.
• L’enjeu réglementaire : se conformer aux exigences sanitaires et environnementales. Les smartphones sont tout particulièrement concernés par la directive RoHS qui vise à limiter l’utilisation de plomb, mercure et cadmium.

La complexité de la composition des smartphones et des alliages qu'ils contiennent rend impossible le recyclage des appareils en fin de vie. Et la tendance est à la complexification.

Il est absolument nécessaire d’améliorer la conception des smartphones pour limiter l’utilisation de métaux issus de l'exploitation minière et augmenter leur recyclabilité ; car, comme le rappelle le rapport de Marie-Christine BLANDIN : « l’extraction des ressources et la fabrication représenteraient jusqu’à 80 % de l’impact environnemental total pour certains modèles de smartphone ». SystExt soutient les recommandations faites en ce sens dans le rapport d’information de la sénatrice.