Que devient le projet Montagne d’Or en Guyane ?


INTERVENTIONS

• Trois ans de lutte contre une Montagne d’or en Guyane !, par Philippe BORE, membre de Maïouri Nature Guyane et co-fondateur du collectif Or de Question
• Et maintenant ? Que doit-on craindre, que peut-on espérer ? par Marine CALMET, juriste à Nature Rights et porte-parole du collectif Or de Question

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CONTEXTE

Le collectif Or de Question est composé de 36 organisations locales et est soutenu par 124 organisations à l'international. Le partenariat avec SystExt est historique, avec la publication en février 2017 du premier communiqué de presse et du dossier de presse associé - un dossier d'ailleurs utilisé tout au long du combat et qui demeure d'actualité.

Lorsque le projet "Montagne d'Or" a été mis en lumière par le collectif, le lobbying du porteur de projet avait déjà porté ses fruits, avec des pans entiers de l'administration, de la sphère politique, médiatique, voire universitaire qui étaient acquis à la cause. Pour rappel, en 2006 les associations locales avaient déjà lutté contre le projet du canadien IAMGOLD. A la clé, une annulation deux ans plus tard, sans indemnisation de ce dernier, malgré son recours au Tribunal administratif.

SYNTHESE DES POSITIONNEMENTS

Quatre leviers ont été mobilisés par le collectif dans sa lutte contre le projet :

Convaincre les citoyens
Les opposants au projet minier ont très vite créé un collectif pour assurer légitimité et influence. Afin d’élargir le débat au plus grand nombre, ils ont volontiers accueilli les partis politiques, tout en restant apartisants et indépendants. Par ailleurs, il se sont focalisés sur un objectif unique, à savoir l’abandon du projet Montagne d’Or. En dénonçant systématiquement les manœuvres de "séduction" de la compagnie minière, Or de Question a gagné la confiance de lanceurs d’alertes qui leur ont fourni quelques informations essentielles. Une stratégie claire et transparente qui a été mise à l'honneur en 2017, lorsque France Liberté leur a remis le Prix de la Fondation Danielle Mitterrand.

Mobiliser la population
Pour répondre à ce deuxième objectif, le collectif a établi un calendrier de meetings dans les communes et les quartiers, organisé des manifestations non violentes, et collecté des dons pour l’impression de tracts et banderoles. Ils n’ont refusé aucune rencontre publique avec la compagnie minière, considérant que la médiatisation permettrait de mettre en lumières les failles du projet. Ils ont concentré leur argumentaire sur les problématiques environnementales et sanitaires locales : contamination par des "métaux lourds", drainage minier acide, diffusion rapide des polluants du fait de la pluviométrie importante, etc. plutôt que sur les enjeux de déforestation en forêt primaire, ayant un écho certain en métropole mais restant inaudibles en Guyane.

Médiatiser les arguments
La publication d’un plaidoyer sur les "20 raisons de dire Non" ainsi que d’un second, sur 25 filières qui pourraient être développées à la place, a permis de clarifier le positionnement d'Or de Question, tout en montrant qu’ils soutiennent également une autre manière de se "développer". Le collectif a également investi les outils numériques : un site internet, Whatsapp, Facebook, Twitter, Scoop it (plateforme de presse où ils ont collecté en 2 ans plus de 1000 articles de presse et vidéos concernant le projet). Afin de donner un maximum de visibilité à la lutte, une pétition a été lancée, qui a recueilli à ce jour près de 500 000 signatures, une infographie a été réalisée (traduite en anglais), et des personnalités artistiques et politiques ont été invitées à s'exprimer.

Dénoncer la désinformation (le coeur du combat)
Malheureusement, de trop nombreuses informations erronnées ont circulé, dans un contexte tendu où le porteur de projet et ses soutiens souhaitaient rassurer la population. Or de Question s'étonne que les médias, les scientifiques et les experts locaux (nombreux en Guyane) n’aient pas tenté de contrer cette désinformation, dont voici quelques exemples :
• « 3 milliards d’euros pour la Guyane », correspondant en fait au chiffre d’affaire potentiel de la compagnie minière
• « l’industrie minière va anéantir l’orpaillage illégal », alors que c’est en général le contraire qui se produit
• la sous-estimation de la dangerosité du cyanure avec des analogies d'usage douteuses (médicaments, manioc guyanais)
• la croyance selon laquelle la législation française permettrait d'éviter tout impact
• l'évaluation excessive du nombre d'emplois indirects potentiellement créés (3000)
• un changement non expliqué de la profondeur de la mine à ciel ouvert (de 300 à 120m) dans les documents produits par le porteur de projet
• une expérience centenaire de la major, chiffre qui correspondrait en réalité à la multiplication de 9 ans d’expérience pour les 11 mines exploitées

CONCLUSIONS/PERSPECTIVES

Or de Question alerte sur la nécessité de vérifier toutes les annonces médiatiques des multinationales car il s’avère que la désinformation est souvent au rendez-vous. Le combat n’aurait pas eu cette ampleur sans les actions - distinctes par leurs stratégies mais convergentes par leur objectif - des alliés locaux : WWF, Guyane Nature environnement, Amazone à défendre (St Laurent du Maroni), mais aussi et surtout la JAG (Jeunesse Autochtone de Guyane). Plusieurs problématiques liées à l'extraction des ressources minières demeurent sur le territoire. D'autres projets miniers de moyenne ampleur se développent (cf. usine de cynauration d'Auplata) et l’orpaillage illégal y est très important (on estime qu'entre 10 000 et 15 000 orpailleurs illégaux sont présents avec seulement 500 représentants des forces armées pour y faire face).

► Pour en savoir plus
+ Site internet de Maïouri Nature Guyane
+ Vidéo « La montagne qui gâche la forêt » sur Youtube, WWF, mai 2018
+ Ouvrage Ni or Ni maître - Montagne d’or et consorts, Editions du Couac, septembre 2019