Soutien | L'arrestation et la détention arbitraires des défenseurs de l'eau de Santa Marta représentent un démantèlement des Accords de paix du El Salvador : Le Canada doit agir

3 mai 2023
Rassemblement d'organisations
Visuel de la campagne internationale Free the Santa Marta Water Defenders! | Source : Laura AVALOS · Twitter
Le 11 janvier, sur ordre du procureur général salvadorien, la police a arrêté cinq éminents Défenseurs de l'Eau : Antonio Pacheco, Saúl Agustín Rivas Ortega, Miguel Ángel Gámez, Alejandro Laínez García et Pedro Antonio Rivas Laínez. Ils font partie des leaders de la campagne historique qui a conduit à l'interdiction de l'exploitation minière au Salvador en 2017 au nom de la protection de l'eau. Le 20 janvier, une première déclaration internationale demandait au gouvernement salvadorien d'abandonner les charges retenues et de les libérer de prison, dans l'attente de leur procès. Avec des dizaines d'autres organisations internationales, SystExt a apporté son soutien à une nouvelle déclaration demandant au gouvernement canadien et à l'ambassade du Canada au Salvador de tout mettre en œuvre pour que soit honorés les Accord de paix du Salvador de 1992 et pour obtenir la libération des Défenseurs de l'Eau de Santa Marta.

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► La déclaration a été publiée par région ou par pays. Voir par exemple la publication réalisée par 38 organisations canadiennes le 25 avril.

Prendre connaissance de la déclaration du 11 janvier 2023 demandant au gouvernement salvadorien d'abandonner les charges retenues et de les libérer de prison, dans l'attente de leur procès.
Voir la vidéo du webinaire 'Free the Santa Marta Water Defenders!' du 18 avril 2023 (en anglais et en espagnol).

Les organisations soussignées représentant des organisations canadiennes internationales de développement et d'aide humanitaire, des organisations de défense des droits humains, de l’environnement, des syndicats, des groupes confessionnels et de solidarité, expriment leur profonde inquiétude concernant l'arrestation le 11 janvier 2023 et la détention continue de cinq défenseurs des droits humains et de l'eau de l'Association pour le développement économique et social (ADES) et de la communauté de Santa Marta, El Salvador : Antonio Pacheco, Saúl Agustín Rivas Ortega, Miguel Ángel Gámez, Alejandro Laínez García et Pedro Antonio Rivas Laínez. Nous demandons que les cinq membres d'ADES Santa Marta soient libérés des conditions sordides de leur détention provisoire et que les charges retenues contre eux soient abandonnées. Conformément aux normes internationales applicables aux prisonniers, nous demandons que, pendant leur détention, les 5 aient toujours accès à leur avocat et aux membres de leur famille, qu'ils reçoivent leurs médicaments, qu'ils soient nourris correctement et qu'ils dorment dans de bonnes conditions, et qu'ils soient à l'abri de toute forme d'abus ou d’harcèlement.

Notre préoccupation est basée sur la connaissance et le profond respect du travail d'ADES et de l'accompagnement historique de la communauté de Santa Marta qui remonte à son exil au Honduras. En outre, les femmes, les petits agriculteurs, les jeunes et les personnes les plus vulnérables de Santa Marta et des communautés environnantes ont bénéficié du travail d'ADES en matière des droits humains, d'agriculture durable, de gestion des ressources en eau, d'éducation, de santé, d'organisation communautaire et de participation populaire au cours de ses 30 années d'activité dans le domaine de l'environnement et des droits humains.

Les accusations criminelles portées contre les 5 membres d'ADES Santa Marta doivent être rejetées car elles violent les Accords de paix de 1992 et la Loi de réconciliation nationale.

Ces arrestations arbitraires sont très préoccupantes car elles violent les Accords de paix internationalement reconnus et la Loi de réconciliation nationale, tous deux signés en 1992. Les cinq défenseurs de l'eau étaient des combattants du FMLN pendant la guerre civile au Salvador (1980-1992). Ils ont été inculpés sans preuve pour un cas spécifique de meurtre, de privation illégale de liberté et d'association illégale qui aurait eu lieu il y a 33 ans (1989) pendant la guerre civile. Ce cas et les crimes allégués ne font pas partie du rapport de la Commission de la vérité des Nations unies, qui ne relève pas du cadre de la loi d'amnistie de 1992.

En effet, ces arrestations sont contraires à la Loi de réconciliation nationale du El Salvador, adoptée par le congrès une semaine après les Accords de paix historiques, qui sont toujours en vigueur à ce jour. Cette loi a été adoptée en application des engagements signés par le gouvernement du El Salvador, le FMLN et le secrétaire général des Nations unies, avec le soutien total de gouvernements tels que le Canada, les États-Unis, le Mexique, l'Espagne, la Colombie et le Venezuela. Il est essentiel que ces Accords de paix soient respectés, car ils ont grandement influencé les accords de paix ultérieurs dans la région et dans le monde.

Ces arrestations sont motivées politiquement visant à démobiliser l'opposition à l'exploitation minière dans un contexte de crise judiciaire et des droits humains au El Salvador.

Les cinq défenseurs des droits humains et de l'eau détenus ont joué un rôle clé dans l'interdiction historique de l'exploitation minière de métaux au El Salvador en 2017, ce qui a permis de sauver les rivières et les écosystèmes du pays et a fait la une de l'actualité mondiale en tant que premier pays au monde à agir de la sorte. De récents rapports semblent indiquer que le gouvernement souhaite reprendre l'exploitation minière dans le pays. 251 organisations de défense de l'environnement et des droits humains de 29 pays ont exprimé leur inquiétude quant au fait que ces arrestations sont en fait politiquement motivées et constituent une stratégie visant à démobiliser l'opposition communautaire à l'exploitation minière à ce moment crucial.

Ceci est confirmé par le manque d'informations, de preuves et de l’interdiction de rendre les informations publiques autour de ces détentions. Les informations tirées des déclarations de l'accusation à la presse dans les jours qui ont suivi l'arrestation indiquent qu'il y a peu de preuves réelles permettant de relier les cinq défenseurs de l'eau aux crimes allégués. Le manque de preuves, le fait que le bureau du procureur général ait obtenu le secret total de la procédure et que les cinq défenseurs de l'eau arrêtés soient toujours en détention provisoire indiquent que les défenseurs de l'eau (ainsi qu'un sixième détenu) ont en fait été arrêtés, détenus et inculpés de manière arbitraire et discriminatoire, pour des raisons politiques liées à leur opposition à l'exploitation minière. Cela contraste fortement avec tous les autres rares cas qui sont lentement jugés par le système judiciaire salvadorien, tous contre des membres de l'armée et d'organisations paramilitaires.

De plus, le mandat comporte une accusation supplémentaire, celle de l'affiliation présumée des cinq personnes citées à des groupes illicites. Cette accusation est très préoccupante étant donné les conséquences qu'un tel terme entraîne dans le cadre de l'actuel "état d'exception” au El Salvador. Nous rejetons l'insinuation selon laquelle les personnes arrêtées sont associées à des activités de gangs. Cette attaque contre des défenseurs des droits humains, de dirigeants d'organisations respectées de la société civile et des communautés, est le signe d'une nouvelle évolution inquiétante du "régime" salvadorien. Elle ravive les pratiques de persécution politique et de détention arbitraire des leaders d’organisations de la société civile, qui n'avaient plus eu cours depuis la fin de la guerre civile. Cette situation est extrêmement préoccupante, alors que nous observons le premier anniversaire de l'instauration de l'état d'urgence, qui a suspendu un large éventail de libertés civiles et entraîné des violations massives des droits humains, notamment des milliers de détentions arbitraires et de violations des droits de la défense, ainsi que des actes de torture, des mauvais traitements et d'autres abus signalés par les experts des Nations unies et d'Amnesty International.

Le Canada doit honorer les Accords de paix du El Salvador et exiger la libération des défenseurs de l'eau de Santa Marta.

Nous demandons au gouvernement canadien de :
1. Plaider en faveur de la poursuite de la mise en oeuvre des Accords de paix en tant qu'acteur clé de la facilitation de ces accords historiques. En continuant à détenir et à poursuivre les 5, le gouvernement salvadorien risque de violer des accords qui ont mis fin à l'une des guerres civiles les plus sanglantes d'Amérique centrale, créant ainsi un mauvais précédent pour la paix internationale ;
2. Respecter son engagement de promouvoir et de protéger les droits humains et utiliser tous les outils possibles pour inciter le procureur général du El Salvador à libérer les défenseurs de Santa Marta ;

En particulier, nous demandons à l'ambassade du Canada au El Salvador à :
3. Mettre en oeuvre les "Voix à risque : Lignes directrices du Canada pour le soutien des défenseurs des droits de la personne" (lien) qui reconnaissent le rôle clé joué par les défenseurs des droits humains et de l'environnement dans la protection et la promotion des droits humains, de l'eau et de l'environnement et dans le renforcement de l'État de droit, souvent au péril de leur vie, de celle de leur famille et de leur communauté, ainsi que des organisations et des mouvements qu'ils représentent ;
4. Demander le retrait de la détention provisoire des accusés afin qu'ils puissent être renvoyé chez eux immédiatement ;
5. Plaider en faveur de l'abandon de toutes les charges retenues contre les accusés, conformément à la Loi sur la réconciliation nationale de 1992 ;
6. Faire une déclaration publique exprimant les préoccupations concernant les incohérences de la procédure judiciaire, demandant le retrait de la détention provisoire, l'abandon de toutes les charges et de vives inquiétudes concernant les conditions de détention des cinq défenseurs ;
7. Assister à tous les procès en tant qu'observateurs internationaux ;
8. Visiter et accompagner la communauté de Santa Marta pour entendre directement les familles touchées par ces arrestations arbitraires et le travail effectué par ADES ;
9. Exprimer publiquement que ce cas revictimise les victimes du conflit armé civil au lieu de faire progresser la justice pour les victimes, comme le recommande le rapport de la Commission de la vérité des Nations unies à la suite aux Accords de paix de 1992.


Manifestation au Salvador en mars 2023 | Source : Page Facebook de l'association ADES Santa Marta · Lien