Réalités minière et industrielle des Asturies

12 août 2015
SystExt
Rencontre avec des représentants de l'association Oro No et du collectif ContraMINaccion
Des représentants de SystExt se sont rendus du 11 au 15 juillet dans les Asturies (Espagne) pour y découvrir son histoire minière et industrielle. Un séjour riche d'apprentissages et d'échanges avec des collectifs citoyens et des mineurs. Témoignage.

Samedi 11 juillet
Départ vers les Asturies. Cette province du nord de l’Espagne, coincée entre la Galice à l’ouest et la Cantabrie puis le Pays Basque à l’est, est la destination choisie par SystExt pour un long week-end de travail un peu spécial. Des mines d’or et de charbon y sont actuellement en exploitation, et plusieurs projets miniers, défendus par des firmes étrangères et contrés par les autochtones, font couler de l’encre depuis quelques années.

Notre point de rassemblement, Hendaye, à l’angle sud-ouest de la France, nous ouvre les portes de la péninsule ibérique.
Nous longeons plus ou moins la côte ibérique du Golfe de Gascogne, au sein d’une Espagne assez éloignée des migrations touristiques estivales. Entre les monts Cantabriques, prolongement des Pyrénées, et les larges rias formées à l’embouchure des fleuves côtiers qui en descendent, nous en prenons plein la vue – pour ceux qui ne dorment pas...
Arrivée à Oviedo et première soirée asturienne, plongés dans l’animation et l’odeur caractéristiques des cidreries… À l’écoute d’une banda, d’abord confondue avec un bagad, à la sortie de la cathédrale, les racines celtes de la province nous apparaissent comme une évidence.

Dimanche 12 juillet
À quelques encablures d’Oviedo, l’autoroute nous plonge au sein d’une région profondément marquée par l’industrialisation. L’énergie qui fait tourner tout ce beau monde trouve (trouvait) sa source non loin de là : l’histoire récente des Asturies est en effet intrinsèquement liée au charbon. C’est à sa rencontre que notre première étape nous mène, au sein du MUMI, à El Entrego, un musée à destination du grand public, dans la lignée de ceux que l’on trouve à Forbach, Alès ou encore Lewarde en France.

Celui-ci se veut quelque peu mélioratif : regardez tout ce que le charbon a permis de développer ! La visite vaut néanmoins le détour pour voir (et faire) fonctionner d’anciennes machines, pour apprendre quelques bases sur les différentes techniques d’exploitation minière souterraine (dans une galerie à… 15 m de profondeur! ) et pour découvrir la fabrication et l’histoire des explosifs. Le musée est en partie financé par une fondation créée par une compagnie d’explosifs, qui y a donc une partie dédiée (et où elle ne s’est pas privée de glisser une belle vidéo de propagande, aux côtés de posters tout aussi ahurissants).

Nous filons ensuite au nord, puis à l’ouest, en longeant quasiment les mêmes massifs et les mêmes rias s’ouvrant sur l’océan que lors de notre trajet de la veille. Nous approchons de la frontière avec la Galice, avant de bifurquer vers la côte pour rejoindre Tapia de Casariego. Là nous attend Charlie Patillas, au détour d’un lacis de ruelles mémorable.

Avec son collectif, Oro No, et accompagnés de plusieurs associations anti-extractivistes de Galice (regroupées sous la bannière de ContraMINAcción), nous visitons un site d’exploitation d’or datant de l’époque gallo-romaine. Le gisement est convoité par une entreprise minière canadienne et est situé à quelques centaines de mètres de l’océan (Article à venir). Oro No se bat depuis une dizaine d’années contre la réalisation de ce projet.

Une douce soirée nous attend en compagnie des collectifs. Les tapas défilent, pour nous mettre en jambe afin de rejoindre une petite crique à la nuit tombée, et, pour certains, de prendre un premier bain de nuit dans le Golfe de Gascogne !

Lundi 13 juillet
Le petit rituel du marché matinal s’est instauré, pour, cette fois, préparer le pique-nique que nous prendrons sur la plage afin de côtoyer l’océan également de jour. Nous laissons de côté Avilés, ses immenses cheminées et ses industries portuaires pour aller plonger dans les vagues mémorables de la plage de Verdicio.

Nous faisons ensuite route vers le sud : retour à la région des mines, où nous allons essayer de visiter par nous-mêmes l’ancien site d’exploitation de mercure de El Terronal, au nord de Mieres. Pas question de chercher les galeries de cette mine souterraine, mais les restes de l’usine de traitement et les résidus qu’elle a produits nous donnent un bon exemple d’un site minier de moyenne envergure, laissant derrière lui de lourdes séquelles environnementales difficilement gérables, plus de quarante ans après sa fermeture (Article à venir).

Direction le sud. Nous quittons un moment les Asturies pour entrer dans la province de Castilla-y-León. Nous longeons plus ou moins la frontière entre ces deux régions jusqu’à Villablino, où nous rencontrons Victor, bientôt rejoint par ses acolytes de l’association Filon Verde. En voiture Simone, ça commence à grimper ; les ruelles laissent places à des pistes, et nous garons le 4×4 au bout de quelques centaines de mètres de dénivelé. Nous terminerons à pied, nous sentant tout petits devant ces massifs de l’ouest de la chaîne cantabrique, rendus bien austères par cette brume s’étendant à perte de vue. Nous devinons néanmoins les formes arrondies du relief en ce lieu bien calme, jusqu’à… cette vision. Là, juste devant nous, un pan entier de la montagne est absent. Victor se dévoue corps et âme pour nous expliquer sa lutte, son combat contre ceux qui ont pris le droit d’effectuer de tels travaux (Article à venir).

La soirée se prolonge, inopinément, au rythme des conversations, du cidre et des plats tous simples – mais si généreux – apportés par la patronne de cette petite enseigne sans fard, toujours un sourire bienveillant aux lèvres. Tant pis pour nos résolutions à tendance végétarienne, et pour le régime : l’asturiano et le leonés carburent définitivement au jamón-queso !

Mardi 14 juillet
La nuit a été courte, mais la plupart d’entre nous s’apprêtent à replonger dans l’obscurité. Une descente de plus de 500 mètres dans les entrailles de la Terre, pour approcher le quotidien pas si lointain de cette bande de mineurs reconvertis depuis peu en guides touristiques et techniques. L’extraction au puits de Pozo Sotón est en effet arrêtée depuis décembre 2014. Vêtements (caleçon de mineur inclus !), lampe, bouteille d’eau, attirail et consignes élémentaires de sécurité, nous voilà prêts à descendre : ascenseur, le boyau, marches glissantes, pour terminer par le petit train. Nous sommes pourtant à mille lieues d’un parc d’attraction (Article à venir). On ne peut s’empêcher d’être tiraillés entre le sentiment de fierté qu’éprouvent ces gaillards à parler de leur métier, bien souvent avec humour, et le questionnement incessant, à chaque étape : est-ce bien humain de faire un job pareil ?

À la sortie, échantillon en main, nous retrouvons la lumière, avec un soupçon de soulagement et une pincée d’amertume, qui ne nous empêchent pas de prendre la pose avec le sourire. Nous étions tout en bas, ce matin-là. Eux, ils y étaient, tous les jours ou presque.

Nous laissons derrière nous les Asturies, avec le petit pincement des moments de départ. Ces quelques jours ont été brefs, et, malgré un emploi du temps bien rempli, nous ne pouvons encore prétendre connaître ce territoire dans sa globalité, et ses mines qui lui sont intimement liées. Cependant, nous avons pu approcher l’ensemble du « cycle minier », de l’ouverture d’un projet (et des luttes qui tentent de le contrer) aux dommages irrémédiables tant du point de vue social qu’environnemental que laissent les sites abandonnés, en passant par le quotidien d’une exploitation, et les risques associés que l’on connaît.

Retour à Hendaye, bilan, dispersion. Nous repartons, des aventures plein la tête. D’autres à venir prochainement ? Pour sûr, mais avec le reste de l’équipe !