Saint-Pierre-Montlimart : de l’or convoité, des sables pollués et des espèces protégées

1 mars 2022
SystExt
Visite du dépôt de résidus miniers et du système passif de traitement des eaux, Saint-Pierre-Montlimart | B. Bergnes pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0
Depuis juin 2020, SystExt mène un projet d’étude qui souhaite mettre en exergue les réalités de l’après-mine en France métropolitaine. Celui-ci prévoit la visite d’une vingtaine d’anciens sites miniers dans une dizaine de départements, afin de rencontrer des populations affectées ainsi que les autres acteurs concernés par les pollutions minières. SystExt revient sur ces territoires miniers au travers de huit reportages de terrain, étayés de recherches bibliographiques. Troisième volet de la série : Saint-Pierre-Montlimart dans le Maine-et-Loire, ancienne mine d’or.

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1. De l'or convoité depuis des siècles

À Saint-Pierre-Montlimart (commune de Montrevault-sur-Evre), l’or, probablement déjà recherché par les Gaulois, a été intensément exploité par les Romains durant l'antiquité [1]. Aujourd'hui sont encore visibles d’importantes "aurières", témoins de l'exploitation en surface de l'or des Mauges (i). Probablement retravaillé durant le Moyen Âge, le gisement est exploité à l'échelle industrielle au sein de la mine de "la Bellière", à partir de 1906. Les activités cessent en 1952 du fait de l’effondrement du cours de l’or et le titre est renoncé en 1977 [2]. De nouvelles tentatives d’exploration sont entreprises par le BRGM entre la fin des années 80 et le début des années 1990 (ii) [3]. En 2014, la société Variscan Mines a également obtenu un permis d’exploration sur la zone. Ces permis n'ont pas donné lieu à une exploitation, mais démontrent l’intérêt pour ce gisement.


Affiche commémorative du centième anniversaire des mines d’or de la Bellière | B. Bergnes pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0

2. Les résidus miniers, témoins de l’exploitation industrielle

En 30 ans d’activités (l’exploitation ayant été réalisée de manière discontinue), 10 tonnes d’or ont été produites [2]. Il a pour cela fallu extraire environ un million de tonnes de minerai. Ce dernier était traité par gravimétrie, amalgamation et cyanuration [4], et les résidus de traitement étaient entreposés directement autour de l'usine de traitement. Ainsi, environ 700 000 tonnes de résidus ont été générées [4], ceux-ci constituant "une source potentielle de pollution en [arsenic] As, [zinc] Zn, [plomb] Pb, [cadmium] Cd et probablement [mercure] Hg et cyanures" ([2], p. 18). Si le dépôt de résidus reste aujourd'hui volumineux, la majeure partie a été prélevée (environ 550 000 tonnes) (iii) [4], sans information précise quant aux usages de ces déchets miniers.


Vue aérienne de l’usine de traitement du minerai de la Bellière et du dépôt de résidus miniers, à Saint-Pierre-Montlimart, en 1950 | Editions Lapie - Source geneanet.org - utilisateur geneanet : jcldixneuf · cc by-nc-sa 2.0

3. Les usages passés et actuels de la "dune de sable"

Les habitants rencontrés par SystExt sur le terrain ont expliqué qu’ils évitaient de fréquenter le dépôt, sans pour autant s’inquiéter de la dangerosité des résidus. Le dépôt était autrefois surnommé "la dune de sable" et pouvait servir d’aire de jeux aux enfants. Désormais, le siège social et des entrepôts d’une entreprise sont situés au niveau même du dépôt et des anciens bâtiments de la mine. L’accès aux résidus miniers est interdit depuis 2017 [4]. Avant cela, le lieu pouvait servir d’aire de pique-nique aux employés de l’entreprise, bien que peu utilisée (iv). Le gardien du site a également logé plusieurs années dans une maison jouxtant le dépôt. Cette maison est aujourd'hui une salle de sport pour les employés de l’entreprise, et son jardin est utilisé comme jardin potager collaboratif et comme site d'éco-pâturage.


Bâtiments de l'entreprise installée au niveau même du dépôt de résidus miniers | B. Bergnes pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0

4. Un laps de temps conséquent entre l’arrêt de l’exploitation et la mise en place de mesures de gestion

Le site, localisé en zone péri-urbaine, a donc été réaménagé pour les besoins d’une nouvelle entreprise, et des riverains ont vécu ou vivent encore à proximité du site. Il aura cependant fallu attendre 2011, soit 30 ans après la renonciation du titre minier et 60 ans après l’arrêt des activités [4], pour qu’une étude sanitaire et environnementale soit réalisée sur le secteur (v) [5]. Des premiers travaux ont été menés suite à cette étude, mais c’est seulement en 2017 que les principaux travaux de réhabilitation ont été effectués [4].


Géotextile en recouvrement des résidus miniers, en bordure de la voie d’accès aux entrepôts de l’entreprise | B. Bergnes pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0

5. Une étude sanitaire non rendue publique

Le rapport de l’étude sanitaire et environnementale ainsi que les documents associés aux travaux de réhabilitation n’ont jamais été rendus publics. Seuls les comptes rendus annuels d’activités du maître d’ouvrage, le Département Prévention Sécurité Minière (DPSM), permettent d’avoir accès à quelques résultats de l’étude et à des informations concernant les travaux de réhabilitation. Ainsi, SystExt n’a pu déterminer quels usages ont été intégrés à l’étude, et quels sont les éventuels risques associés. Seules quelques recommandations semblent avoir été fournies aux éleveurs susceptibles d’abreuver leur bétail dans le ruisseau de la Bellière, qui longe et borde le dépôt minier [6].


Cours d’eau s’écoulant à proximité du site industriel, affluent du ruisseau de la Bellière | B. Bergnes pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0

6. Pollution des eaux à l’arsenic

L’étude sanitaire et environnementale de 2011 a révélé la présence d’émergences minières traversant le dépôt de résidus miniers et rejoignant le ruisseau de la Bellière [4]. Lors de sa visite de terrain, SystExt a également constaté l'affouillement du dépôt par le ruisseau ainsi qu'une érosion progressive par le ruissellement d’eaux pluviales, érosion d'ailleurs destinée à être limitée par des travaux qui étaient alors en cours de réalisation. Ces phénomènes conduisent à une pollution des eaux et sédiments du cours d'eau. En effet, des analyses réalisées par le DPSM montrent un accroissement notable des concentrations en fer et en arsenic dans les eaux en aval direct du dépôt de résidus (vi) (vii) [7].


Émergences minières canalisées au niveau du dépôt minier | A. Calmet pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0

7. Un système de gestion des eaux sommaire pour un traitement sans fin

En 2017, dans le but de réduire la pollution du ruisseau de la Bellière, le DPSM a construit deux lagunes servant à décanter et oxygéner les eaux des émergences minières et ainsi faire précipiter les substances métalliques [6]. Ce traitement passif permet seulement de diminuer les concentrations en arsenic et en fer ; les concentrations en sulfates et en manganèse, paramètres également analysés, ne diminuant pas ou très peu [4]. Bien que la réduction de la concentration en arsenic soit importante (environ 80% [7]), les concentrations restent relativement élevées après traitement (tel qu'en atteste les analyses dans le ruisseau de la Bellière, voir §6) [6] [7]. De plus, seulement 3 ans après leur construction, celles-ci ont déjà dû être curées, afin de retirer les précipités et sédiments s'y étant déposés. Les boues de curage sont stockées sur le dépôt même.


Lagunes de décantation des eaux issues des deux émergences minières | B. Bergnes pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0

8. Un manque d'information concernant les risques sanitaires potentiels pour les travailleurs

D’après les témoignages recueillis par SystExt lors de sa visite de terrain, l’entreprise installée au niveau du dépôt minier n’a eu accès à aucun document afférents à l'étude de 2011. De plus, les travailleurs ne semblent pas avoir été sensibilisés aux risques potentiels. Il semblerait que ces risques n'aient pas été évalués. Le cas échéant, SystExt recommande de les étudier et de transmettre les résultats associés aux travailleurs concernés.


Panneau d’information de l’ancienne aire de pique-nique située sur le dépôt de résidus miniers | E. Feyeux pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0

9. Zone d’intérêt écologique sur dépôt minier

Une Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 (viii) ayant pour emprise le dépôt de résidus miniers et une partie du ruisseau de la Bellière a été définie, et ce, malgré l’état de dégradation des milieux [8]. Bien que les ZNIEFF ne soient pas contraignantes réglementairement parlant, leur inventaire doit être consulté avant tout projet d’aménagement. Ces zones, considérées comme "les zones les plus remarquables du territoire" [9], doivent en effet être protégées compte tenu de leur biodiversité singulière. SystExt s’interroge sur le fait de considérer comme "remarquables" [9] et "d’intérêt patrimonial([8], p.2) des espèces faunistiques et floristiques dont le développement est associé à une perturbation voire une contamination des milieux par les activités humaines (ix). Plus largement, il s’avèrera nécessairement difficile de concilier les enjeux de protection associés à la ZNIEFF et la gestion des pollutions minières qui se situent dans son emprise (x) [8].


Panneau de signalisation situé sur le dépôt de résidus miniers et donc dans le périmètre de la ZNIEFF de type 1 | B. Bergnes pour SystExt · Mars 2021 · cc by-sa-nc 3.0 fr

► Notes

(i) Le territoire des Mauges correspond au sud-ouest de l’actuel département du Maine-et-Loire. Géologiquement, les Mauges correspondent à l’extrême sud-est du Massif armoricain.
(ii) Sur le district de Saint-Pierre-Montlimart, un permis de recherches minières a été attribué au BRGM en 1982, puis deux en 1989 [3].
(iii) Ainsi, sur les 700 000 tonnes initialement générées, il subsiste sur le site environ 150 000 tonnes de résidus, pour un volume estimé entre 50 000 et 70 000 m3 [2] [4].
(iv) D’après un employé de l’entreprise rencontré par SystExt.
(v) "En 2010, le BRGM/DPSM a été missionné par la DREAL Pays de la Loire pour conduire une étude environnementale sur le site de l’ancienne mine d’or et de son dépôt de résidus de traitement à Saint-Pierre-Montlimart." ([4], p. 18)
(vi) En 2019, "la moyenne des concentrations en arsenic total est proche de 180 µg/l" ([7], p. 28). Cette valeur correspond à la moyenne annuelle des mesures, les concentrations étant supérieures en basses eaux (période de l'année où les écoulements sont les plus faibles) et inférieures, en hautes eaux.
(vii) En l’absence de valeur réglementaire pour la qualité des masses d’eau, superficielles ou souterraines, on rappelle, à titre indicatif, que l’arrêté du 11 janvier 2007 "relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine" fixe, pour l’arsenic, une limite de qualité à 10 µg/l. L’arrêté du 2 février 1998 "relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation" fixe quant à lui une limite de rejet pour l’arsenic à 25 µg/l.
(viii) Les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique sont "des secteurs de plus grand intérêt écologique abritant le biodiversité patrimoniale" [9]. Les ZNIEFF de type I sont des "espaces homogènes écologiquement, définis par la présence d’espèces, d’associations d’espèces ou d’habitats rares, remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel régional" [9].
(ix) "La zone est constituée de remblais sableux issus des extractions de minerai aurifère, dont l'exploitation a cessé en 1954. Ces zones sableuses et la zone humide située en contrebas permettent le maintien d'une entomofaune tout à fait originale avec plusieurs espèces et d'une flore présentant un intérêt patrimonial." ([8], p. 2).
(x) Ce site est en effet considéré comme "peu menacé à l'heure actuelle mais l'évacuation des remblais vers d'autres sites risque à terme de nuire à certaines espèces" ([8], p. 3).

► Bibliographie citée

[1] Perrouin, B. (1988). Les Mines d’or des Mauges. Histoire et Patrimoine au Pays d'Ancenis (n°3), pp. 23-33. Association de recherches sur la région d’Ancenis (ARRA).
[2] GEODERIS. (2013). Inventaire des dépôts issus des exploitations minières selon l’article 20 de la Directive 2006/21/CE. Monographie sur la région Pays-de-la-Loire. Rapport N2012/035DE–12NAT2121. Lien.*
[3] Braux, C. avec la coll. de Apolinarski, F. et Blouin, J.P. (1991). District aurifère de Saint-Pierre-Montlimart (Vendée, France). Synthèse des travaux d’exploration. Rapport BRGM R32554. Lien.
[4] Sabourault, P. avec la collaboration de Bardon, P., Deroualle, M., Duré, F., Girardeau, I., Huron, J. (2018). Compte rendu annuel d’activités 2017 du DPSM en Pays de la Loire. Rapport BRGM RP-68167-FR. Lien.
[5] Deroualle, M., avec la collaboration de Baillet, J., Cailleau, C., Roger, G., Hehn, D., Schumacher, J.P. (2011). Compte-rendu d’activités DPSM, année 2011 - Pays de Loire. Rapport BRGM RP-60709-FR. Lien.*
[6] Département Prévention Sécurité Minière (DPSM). (2017). Achèvement des travaux de mise en sécurité environnementale sur le site de l’ancienne mine d’or de la Bellière (Saint Pierre Montlimart, 44). Article en ligne sur le site internet du BRGM/DPSM. Site Internet : https://dpsm.brgm.fr/actualite/achevement-travaux-mise-en-securite-environnementale-site-lancienne-mine-dor-belliere. Consulté le 16/01/2022.
[7] Sabourault, P. (2021). Compte rendu annuel d’activités 2019 du DPSM en Pays de la Loire. Rapport BRGM RP-69683-FR. Lien.
[8] Mourgaud, G. (2018). Mines d’or (Identifiant national : 520220032). ZNIEFF Continentale de type 1. INPN, SPN-MNHN Paris. Lien.
[9] MNHN & OFB [Ed]. (2003-2022). Inventaire national du patrimoine naturel (INPN), l’inventaire ZNIEFF. Site Internet : https://inpn.mnhn.fr/programme/inventaire-znieff/presentation. Consulté le 17/01/2022.

* Ce rapport, portant sur les résultats de l'inventaire des dépôts de déchets miniers sur la région (auquel ont été jointes les fiches détaillées par dépôt inventorié), a été transmis le 02/06/2020 à SystExt et ses partenaires par GEODERIS. Ceci fait suite à un courrier initial de E. Feyeux à GEODERIS en date du 28/01/2020, à une saisine de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) le 04/03/2020 ainsi qu'à un courrier de la CADA à GEODERIS en date du 19/05/2020.

► Bibliographie non citée

• Baïetto, T. (2015). Dans le Maine-et-Loire, le retour de la ruée vers l’or. France Télévisions.
• Brevet, J. (2008). L’or à Saint-Pierre-Montlimart. Société des sciences, lettres et arts de Cholet, (130).
• Girardeau, I. (2021). Compte-rendu annuel d’activités 2020 du DPSM – Région Pays de la Loire. Rapport BRGM RP-70900-FR. Lien.
• Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) Pays de la Loire. (2016). Avis délibéré de la Mission Régionale d’Autorité environnementale des Pays de la Loire sur le plan local d’urbanisme de la commune de Montrevault-sur-Evre (49). Avis n°2016-2009. Lien.
• Sabourault, P., avec la collaboration de Marquette, C., Hehn, D., Dietz, M., Deroualle, M., Pidon, A., Baillet, J., Flauder, M., Cailleau, C., Roger, G. (2014). Compte rendu d’activités DPSM, année 2013 - Pays de Loire. Rapport BRGM RP-63192-FR. Lien.
• Sabourault, P., avec la collaboration de Marquette, C., Dietz, M., Deroualle, M., Pidon, A., Baillet, J., Cailleau, C., Roger, G. (2015). Compte rendu d’activités DPSM, année 2014 - Région Pays de la Loire. Rapport BRGM RP-64528-FR. Lien.